Le questionnement sur la confiance en soi est étroitement lié à nos sociétés modernes. En effet, dans les sociétés traditionnelles, le chemin de chacun était généralement calqué sur celui des ancêtres, plus ou moins tracé d’avance, alors qu’aujourd’hui, avec l’accès décuplé à l’information, la mobilité accrue, donc la multiplication des choix, nous sommes davantage exposés à l’incertitude, à l’hésitation, à la comparaison, à la peur de l’échec.
De plus, nous vivons dans une société qui cherche à sécuriser, à maîtriser les risques, par la science et la technique. Mais on ne peut abolir entièrement l’imprévu ; la maîtrise de tout risque est une illusion, même si les progrès techniques nous portent à souhaiter tout anticiper et contrôler. Cette tendance à refuser l’imprévu est un frein à l’acquisition de la confiance en soi qui ne peut se concevoir comme indépendante de la notion de doute et d’échec.
C'est quoi la confiance en soi ?
La maîtrise technique
Il est évident qu’on ne peut être confiant sans un minimum de compétences, de savoir-faire. La « théorie des 10 000 heures » de Malcolm Gladwell veut que, à partir du seuil des 10 000 heures de pratique consacrées à un certain domaine, on peut devenir le champion du monde de ce domaine. Cela pourrait nous laisser penser que la confiance en soi repose essentiellement sur la maîtrise de savoirs ou savoir-faire. Mais est-ce suffisant pour dire qu’on a confiance en soi ? La confiance en soi n’est pas seulement une question de maîtrise. Certaines personnes ayant acquis de grandes compétences peuvent très bien manquer de confiance ou perdre confiance.
Or la confiance en soi, nous dit Charles Pépin, se construit dans un aller-retour, dans une « valse à deux temps », entre maîtrise et « immaîtrise ».
Quel est donc cet autre pilier indispensable qui nous permet de faire ce saut en dehors de notre zone de confort ?
La confiance de l’autre et en l’autre
Nous avons besoin de l’autre pour nous développer, dès la naissance. C’est grâce à lui que nous développons ce qui est en nous à l’état de germes. La rencontre avec des personnes qui ont su nous témoigner leur confiance est déterminante dans l’acquisition de la confiance en soi.
Cela se joue donc dès l’enfance où le rôle des proches est déterminant dans l’acquisition de la confiance. L’exemple frappant donné par Charles Pépin est celui de l’enfant qui pratique le vélo à 4 roues. Quand iel a acquis une bonne maîtrise, le parent lui propose d’enlever 2 roues et l’enfant qui a confiance en l’adulte et qui sent la confiance de celui-ci, se lance dans l’expérience nouvelle sans être paralysé de peur.
C’est le rôle de l’éducateur, aussi, de mettre en confiance, sécuriser, sans oublier ensuite de mettre la personne en responsabilité, en lui confiant une mission (adaptée bien-sûr) qui, elle, insécurise. Et faire confiance, ce n’est pas faire à la place, c’est laisser faire. « N‘aidez jamais un enfant à faire une tâche qu’il se sent capable d’accomplir. », recommande la pédagogue Maria Montessori.
L’alpiniste et guide de haute montagne Erik Decamp, nous explique que pour donner confiance à un individu anxieux avant une ascension, il le désigne premier de cordée et il a constaté que la personne ainsi reconnue peut dépasser son appréhension première. Cet autre retour d’expérience d’Erik Decamp est assez éloquent :
« Quand j’accompagne un débutant dans la découverte de l’alpinisme, tout en lui m’invite à faire l’effort de considérer les situations que nous vivons ensemble, non pas avec mes yeux (de celui pour qui ce terrain est familier), mais avec les siens (qui se sentent en terre inconnue). Si je ne veux pas qu’il décroche, qu’il perde pied, qu’il s’épuise, je dois faire cet effort. Si je veux pouvoir compter sur lui, aussi. »
Ces exemples illustrent l’importance de la dimension relationnelle dans l’acquisition de la confiance en soi.
Bien sûr, si les interactions bienveillantes ont fait défaut dans l’enfance, si on a été privé de ces liens qui rassurent, le risque est plus grand de manquer de confiance ; mais celle-ci peut se développer grâce aux différentes rencontres que l’on fait tout au long de la vie. L’amitié contribue ainsi à l’épanouissement et au développement personnel. La confiance que notre ami nous accorde devient confiance en soi par le même mouvement.
En évoquant l’importance des liens tissés avec autrui dans le développement de la confiance en soi, Charles Pépin se distingue de l’auteur américain Emerson qui estime que la confiance en soi est à chercher avant tout en chacun de nous, chacun ayant en lui un joyau à exploiter. Or Charles Pépin considère que ce n’est pas seulement en soi mais aussi hors de soi qu’il faut conquérir sa vérité, en entrant dans l’action.
En revanche, le philosophe retient une idée d’Emerson selon qui, pour avoir confiance, il faut laisser entrer en soi la beauté du monde, de la nature.
C’est ainsi qu’il ajoute un troisième pilier à sa définition de la confiance en soi.
La confiance en la vie
Il s’agit là d’une autre dimension relationnelle. La relation avec la beauté du monde, que ce soit la beauté de la nature ou de l’art (musique, peinture, littérature…) La beauté a la particularité de pouvoir nous offrir une expérience personnelle et émotionnelle immédiate, en dehors de toute influence, l’émerveillement ressenti constitue un espace de liberté qui contribue à cultiver la confiance car dans ce moment privilégié, on s’écoute soi-même et on entre en communion avec le monde ; une forme d’énergie entre en nous au moment où nous contemplons la beauté du monde, qui nourrit une capacité à aller plus avant.
Pour résumer son analyse, Charles Pépin relate un entretien qu’il a eu l’occasion d’avoir avec un pilote d’avion qui lui racontait comment se passaient les atterrissages de nuit sur les porte-avions.
Le pilote ne voit rien dans la nuit noire. Il ne peut ni se fier à ses instruments sur son tableau de bord ni au visuel qu’il a du bateau. Il doit s’en remettre aux instructions données par un officier d’appontage (confiance en autrui). Bien sûr, il possède la maîtrise technique de son appareil pour répondre aux instructions (confiance en ses capacités). Mais ces deux composantes ne suffisent pas, ni pour le pilote, ni pour l’officier d’appontage. « C’est clair, il faut avoir la foi ! » déclarait ce militaire. C’est là qu’arrive la confiance en la vie.
Alors, comment prendre confiance en soi ?
Il ressort de cette investigation que le concept de confiance en soi est complexe, multiforme.
Mais on peut tout de même s’appuyer sur l’idée qu’elle n’est pas innée, qu’elle s’acquiert, qu’elle peut être mise à mal mais aussi cultivée, diminuer ou évoluer selon les circonstances. La confiance en soi est un processus.
Nous avons donc la possibilité d’agir sur elle :
- En apprenant à mieux nous connaître,
En créant des moments de respiration où nous prenons le temps de nous écouter, loin de l’agitation du monde moderne. Les rites, quels qu’ils soient, nous offrent un cadre dans lequel nous pouvons nous écouter, nous concentrer et retrouver des sensations positives. Ils nous aident à nous mettre dans un certain état d’esprit : bien-être, confiance, action, concentration...
- En cultivant les bons liens pour se procurer une sécurité intérieure.
Les relations à autrui, basées sur la bienveillance et la confiance, qu’elles soient amicales, professionnelles, médicales, constituent un tremplin pour s’aventurer dans l’action.
- En acceptant d’échouer pour progresser.
Ne pas rester enfermé dans la dualité échec/réussite, donner un sens à ce qui n’a pas réussi, considérer qu’une mise à l’épreuve est une occasion d’apprendre et accepter que l’incertitude existe, voilà un des multiples facteurs de confiance en soi.
L’acquisition de la confiance passe par le « faire ».
- En ne se privant pas de s’imprégner de la beauté du monde,
En acceptant de s'ouvrir sur l'extérieur, d'être surpris.e, d'explorer et en se vivant comme un habitant du monde et pas seulement comme un consommateur.
Prenez soin de vous !