J’ai récemment rédigé un article sur le stress minoritaire et ses conséquences sur la santé physique et mentale. Il est important de noter que ce stress minoritaire n’est en aucun cas une fatalité, il existe de nombreux mécanismes qui peuvent nous permettre de faire face.
Ces mécanismes peuvent être d’ordre individuels ou collectifs, Ilan H.Meyer a d’ailleurs montré que le sentiment d’appartenance à une communauté est un des facteurs qui permettrait de réduire ce stress.
Les personnes LGBTQIA+, une population à risque vis à vis de la santé mentale
De nombreuses études ont soutenu la théorie initiale de Meyer, en indiquant que chez les jeunes LGBTQIA+, selon ces études, cet impact sur la santé mentale peut être dû à une interaction entre des facteurs de risques génétiques et des expositions négatives et répétées à des évènements stressants tout au long de la vie.
la stigmatisation, les préjugés et la discrimination créent un environnement social hostile et stressant qui cause des problèmes de santé mentale.
Certaines études ont montré récemment que, en comparaison aux jeunes cisgenres, les jeunes LGBTQIA+ développent davantage de troubles de santé mentale, en particulier des troubles anxieux ou dépressifs. Prenons le cas des troubles dépressifs, une étude de Reisner et al. menée en 2015 sur une rétrospective des données de dossiers médicaux électroniques provenant d'un panel de personnes transgenres âgées de 12 à 29 ans, a montré un risque deux à trois fois plus élevé de dépression, d'idées suicidaires et de tentatives de suicide par rapport aux jeunes cisgenres du même âge.
Vous pourriez me rétorquer que cela peut être dû au jeune âge des participants, Que nenni ! Deux récentes études américaines démontrent que la santé mentale des personnes LGBTQIA+ âgées est moins bonnes que celle de la population générale. Par exemple, 31% des participant.e.s à l’étude souffrent de trouble dépressif, ce qui est deux à trois fois plus élevé que les estimations réalisées sur la population générale. Concernant les personnes transgenres âgées, le constat est d’autant plus fort, car la dépression touche 48% des participant.e.s.
Une des explications : le stress minoritaire
Pour comprendre les mécanismes que nous pouvons mettre en place pour faire face à l’anxiété et au stress en tant que personne issue de la minorité, il est important de définir le concept même de stress minoritaire. Comme je le disais dans un article dédié sur cette notion, le concept de stress minoritaire est relativement récent puisqu’il a été théorisé dans les années 2000 par l’épidémiologiste psychiatrique Ilan H. Meyer, pour décrire le niveau élevé de stress chronique auquel sont exposés les membres de minorités stigmatisées pour leur appartenance sociale, ethnique ou sexuelle.
Selon la définition de Meyer, Il s’agit donc d’un stress supplémentaire (et non pas minime !) que le groupe dominant n’a pas l’occasion d’expérimenter et qui a un impact suffisamment important sur la santé (physique et/ou mentale) pour être pris en considération..
Au sein de ce stress minoritaire, on peut distinguer :
- Les stresseurs « distaux », c'est-à-dire objectifs, qui viennent de l’extérieur, de préjudices réellement vécus, dans l’espace public, professionnel ou familial.
- Les stresseurs « proximaux », c’est-à-dire subjectifs, qui proviennent d’une intériorisation des représentations négatives liées au fait de ne pas être conforme à une société hétéronormée.
Il est important de noter que, selon le modèle de stress minoritaire de Meyer, le stress n’est pas une fatalité car des facteurs de résilience peuvent nous aider à le surmonter. Par exemple le sentiment d’appartenance à une communauté est un facteur d’apaisement et de soin. Par conséquent, le statut minoritaire est associé non seulement au stress, mais aussi à d'importantes ressources telles que la solidarité et la cohésion de groupe qui protègent les membres des minorités contre les effets néfastes du stress minoritaire sur la santé mentale.
Mais alors, de quelles manières le sentiment d’appartenance à une communauté impacte notre santé mentale ?
Le sentiment d'appartenance à une communauté peut avoir un impact significatif sur notre santé mentale de plusieurs manières.
Obtenir un soutien social et émotionnel
Faire partie d'une communauté peut fournir un réseau de soutien social, comprenant des amis, des membres de la famille et d'autres personnes partageant des intérêts ou expériences proches des nôtres. Ce soutien social implique la possibilité d’exprimer ses émotions et d’obtenir du feedback de la part des autres.
Ce sentiment d’être intégré.e et soutenu.e peut être ressenti lorsque les personnes qui nous entourent partage nos préoccupations par un échange d’idées et d’informations sur des situations que nous avons en commun ou des objectifs que nous partageons mutuellement, ce qui nous permet d’aboutir à une nouvelle vision du monde tout en créant de nouveaux repères, une nouvelle norme.
Prenons un exemple : j’enroule mes pieds dans ma couette le soir pour m’aider à m’endormir. Je n’imaginais pas que d’autres personnes puissent avoir la même petite habitude que moi, j’ai pu penser parfois que j’étais un peu bizarre. Lors d’une soirée, nous échangeons avec un groupe d’ami.e.s sur nos habitudes de sommeil et il se trouve qu’une amie a exactement le même comportement que moi pour s’endormir. Je me suis immédiatement senti.e compris.e et ma vision de la norme s’est modifiée : je ne suis pas seul.e !
Argument un peu plus “sérieux”, certaines études, comme celle de Glazier et al. (2004) menée sur 2 052 mères canadiennes, montrent l’effet médiateur du soutien social (partenaire, famille, amis) qui atténue significativement l’effet du stress et les symptômes anxio-dépressifs des mères pendant la grossesse. Ces études montrent qu’un soutien social perçu comme positif a des effets significatifs sur le bien-être de la mère et celui de l’enfant.
Se sentir intégré.e et renforcer l'estime de soi
Se sentir appartenir à une communauté peut nous aider à renforcer notre identité et nos valeurs. En effet, être accepté.e et valorisé.e au sein d'une communauté peut nous aider à construire une image de soi plus positive. Cela peut également augmenter les occasions de se sentir utile en contribuant au bien-être des autres, donc développer le sentiment d’être nécessaire, la confiance et l’estime de soi.
Lorsque nous sommes entouré.e.s de pairs qui comprennent et acceptent qui nous sommes, notre orientation sexuelle ou notre identité de genre, cela peut réduire les sentiments de honte ou de culpabilité souvent associés à la stigmatisation. La communauté nous offre une place et un rôle, si mes relations me permettent d’affirmer cette place et mes compétences alors j’ai une confirmation de ma valeur.
Par exemple, au sein de la communauté queer, certaines initiatives visent à aider les jeunes personnes queer à aborder différents questionnements qui les traversent. Imaginons que je sois parrain, marraine ou parraine d’une jeune personne queer : j’ai un rôle bien défini, une place que je peux prendre et les échanges que je peux avoir avec cette personne peuvent apporter une image plus positive de moi. Je suis utile, je l’aide … cela me valorise et valorise mes compétences.
Donner du sens, un but
Le sentiment d'appartenance à une communauté peut donner un sens, un but à la vie. Se sentir connecté.e à quelque chose de plus grand que soi-même et contribuer à une communauté peut renforcer le sentiment de satisfaction et de réalisation personnelle. L'engagement au sein d'une communauté peut donner un but en fournissant des occasions d'acquérir de nouvelles compétences, de partager des connaissances et de se développer en tant qu'individu.
Par exemple, lorsque nous participons à une manifestation, cela fait souvent naître un sentiment de communion fort. Nous sommes tous.tes dans le moment présent, dans le même mouvement pour une cause plus grande que nous. Nous savons que les changements que cela peut provoquer ne nous impacteront pas forcément directement mais peu importe, l’enjeu est plus grand que nous.
Dans mon dernier article sur la confiance en soi, je faisais part de l’importance du sentiment de confiance en la vie. En effet, l’émerveillement ressenti constitue un espace de liberté qui contribue à cultiver la confiance car dans ce moment privilégié, on s’écoute soi-même et on entre en communion avec le monde ; une forme d’énergie entre en nous au moment où nous contemplons la beauté du monde, qui nourrit une capacité à aller plus avant. C’est exactement ce qui peut se produire lorsque l’on participe à un évènement communautaire.
Obtenir une aide tangible et un soutien informatif
En outre, le sentiment d'appartenance à une communauté peut faciliter l'accès aux ressources et au soutien spécifiquement adaptés aux besoins des personnes LGBTQIA+. Les évènements, les groupes de soutien et les initiatives de sensibilisation offrent souvent des ressources telles que des conseils en santé mentale, des programmes éducatifs, des services juridiques et des espaces safe pour se réunir.
La présence de ces ressources peut aider à combler les lacunes dans les systèmes de soutien ou de soins traditionnels qui peuvent ne pas être adaptés aux besoins uniques de chacun.e. En ayant accès à ces ressources, nous sommes mieux équipé.e.s pour faire face et pour trouver le soutien nécessaire à notre bien-être physique et mental.
Il est important de préciser que nous ne sommes pas dans l’obligation d’agir au sein de la communauté pour en faire partie, le sentiment d’appartenance ne repose pas forcément sur l’action. Par exemple : je regarde un spectacle de stand-up d’un.e artiste queer, je comprends les blagues et les références, ce qui est dit fait écho à des situations que j’ai vécu ou à ce que je ressent. Je me sens appartenir à cette communauté parce que je partage ses codes et références.
Conclusion
En somme, le sentiment d'appartenance à une communauté peut avoir un impact positif sur la santé mentale en fournissant un soutien social, en réduisant l'isolement, en renforçant l'estime de soi, en donnant un sens ou un but à la vie, et en offrant un accès aux ressources / soutien.
Cependant, il est important de noter que le lien entre le sentiment d'appartenance à une communauté et la santé mentale peut varier en fonction de divers facteurs, tels que la qualité des relations au sein de la communauté, le degré d'acceptation et de soutien, ainsi que la personnalité et les expériences individuelles de chacun.e. Certaines personnes peuvent se sentir isolées même au sein d'une communauté, tandis que d'autres peuvent se sentir épanouies et soutenues.
En résumé, bien que le sentiment d'appartenance à une communauté puisse contribuer à une bonne santé mentale pour de nombreuses personnes, il ne garantit pas nécessairement une santé mentale optimale pour tous.tes. D'autres facteurs, tels que la génétique, les expériences de vie, les comportements individuels, les changements au sein de la société ... jouent également un rôle important dans la santé mentale globale d'un individu.