Qu'est-ce que le stress ?
Du latin stringere (serrer, presser), le stress se définit comme une agression de l’organisme par un agent physique, psychique, émotionnel, qui entraîne une réaction d’adaptation dudit organisme pour réduire la tension générée.
Dans les années 30, l’endocrinologue Hans Selye (1907-1982) a déterminé trois stades successifs du stress :
- La phase d'alerte : vous mobilisez vos ressources de défense;
- La phase de résistance : vous tentez de vous adapter à l'agent stressant, votre corps et votre tête cherchent à résister;
- La phase d'épuisement : si l'agent stressant est suffisamment puissant et durable, c’est l’épuisement, vous n’avez plus les ressources pour faire face …
Ces 3 « étapes » peuvent être suivies d'une phase de récupération (résilience).
L’apport de Hans Sleye est majeur, il nous montre que le stress est avant tout une réaction physiologique, de tout organisme vivant, face à une agression. Cependant, quand nos capacités d’adaptation sont dépassées, un certain nombre de troubles peuvent se manifester, à la fois physiques (sueurs, tachycardie, douleurs abdominales, céphalées…) et psychologiques (irritabilité, insomnie, difficultés de concentration, troubles de la mémoire…).
Ces quelques exemples non exhaustifs illustrent l’importance de la prise en compte des facteurs de stress pour une bonne appréhension de notre santé physique et mentale.
La vie moderne nous expose à de multiples stresseurs : rythme de vie accéléré, nuisances sonores, manque de sommeil, perte d’un emploi, surmenage au travail, difficultés financières, accident, maladie, décès d’un proche…
Qu’en est-il d’autres facteurs de stress touchant des groupes humains plus restreints ? C’est le moment d’aborder le sujet : le modèle de stress minoritaire.
Qu'est ce que le stress minoritaire ?
Le concept de stress minoritaire est relativement récent puisqu’il a été théorisé dans les années 2000 par l’épidémiologiste psychiatrique Ilan H. Meyer, pour décrire le niveau élevé de stress chronique auquel sont exposés les membres de minorités stigmatisées pour leur appartenance sociale, ethnique ou sexuelle.
Selon la définition de Meyer, Il s’agit donc d’un stress supplémentaire (et non pas minime !) que le groupe dominant n’a pas l’occasion d’expérimenter et qui a un impact suffisamment important sur la santé (physique et/ou mentale) pour être pris en considération.
QUELS SONT CES FACTEURS DE STRESS SUPPLEMENTAIRE CHEZ LES MINORITES SEXUELLES ET DE GENRE ?
Meyer, qui s’est plus particulièrement intéressé au stress minoritaire des personnes LGBTQIA+, a mis au jour deux catégories de stresseurs spécifiques qui affectent plus particulièrement les groupes sociaux dont l’identité sexuelle ou l’expression de genre n’est pas conforme aux normes culturelles de la population générale (à prédominance hétérosexuelle et cisgenre) :
Les stresseurs « distaux », c'est-à-dire objectifs, qui viennent de l’extérieur, de préjudices réellement vécus, dans l’espace public, professionnel ou familial.
- Les actes de discrimination (1899 actes de discrimination signalés à l’association SOS Homophobie en 2019 (en 2019, 35 % des 1 229 personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres interrogées par l’Ifop ont déclaré avoir fait l’expérience d’au moins une forme de discriminations au cours de leur vie, en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre).
- Les violences verbales (insultes, drague importune)
- Les violences physiques (coups, agressions sexuelles)
- Les dommages matériels
- Les micro-agressions du quotidien qui, par leur répétition, virent au harcèlement.
Malgré les progrès accomplis depuis les années 1980 en matière de reconnaissance des droits des minorités sexuelles et de genres, force est de constater que ces attitudes stigmatisantes persistent. N'oublions pas qu'en 2019, 55% des personnes LGBT+ ont subi des actes homophobes ou transphobes au moins une fois dans leur vie.
Les stresseurs « proximaux », c’est-à-dire subjectifs, qui proviennent d’une intériorisation des représentations négatives liées au fait de ne pas être conforme à une société hétéronormée.
Les personnes LGBTQIA+ sont ainsi susceptibles de :
- Maintenir un état de vigilance accru par le fait de s’attendre à être rejetées ; c’est ce qu’on appelle la « stigmatisation anticipée ».
- Dissimuler leur identité de genre ou orientation sexuelle, de peur d’être stigmatisées. (Imaginons le stress de vivre avec la crainte que son « secret » soit percé ...)
- Intérioriser les normes de la société dominante, qui amène à ressentir négativement l’appartenance à la diversité sexuelle (mauvaise estime de soi) et à penser que les mauvais traitements subis sont une conséquence naturelle de l’identité LGBTQIA+ ; autrement dit, estimer qu’on est le seul responsable
Il est important de noter que, selon le modèle de stress minoritaire de Meyer, le stress n’est pas une fatalité car des facteurs de résilience peuvent nous aider à le surmonter. Par exemple le sentiment d’appartenance à une communauté est un facteur d’apaisement et de soin.
Quelles sont les différentes répercussions de ce stress minoritaire sur la santé physique et mentale ?
Les impacts physiques
Des études menées dans les années 2000 ont révélé que les femmes lesbiennes et bisexuelles auraient plus fréquemment une masse corporelle supérieure à 30, un risque supérieur de cancer du sein. En ce qui concerne les hommes, ils auraient plus d’exposition aux MST (2,5 fois plus de diagnostics d’IST et 2,3 fois plus de risques par rapport au VIH) et un risque plus élevé d’hypertension et de maladie cardiaque.
Tout cela s’expliquerait entre autres par un accès moins facilité à des personnels de santé compétents dans la prise en compte de la situation particulière des personnes LGBTQIA+, ce qui peut causer la non-reconnaissance de problèmes de santé ou des erreurs de diagnostic. C’est ce qui ressort d’une enquête européenne Health4 LGBTI de 2017 qui souligne aussi qu’un autre obstacle important est la non-divulgation concernant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre à un-e professionnel-le de la santé par peur de subir entre autres une discrimination, ou un traitement moins favorable. Les difficultés de dialogue débouchent alors sur un renoncement aux soins.
Les impacts psychologiques
Il paraît évident que des personnes soumises aux facteurs de stress propres aux minorités ont beaucoup plus de risques de perdre l’estime de soi, de se dévaloriser, de développer des troubles anxieux, dépressifs, des conduites à risque ou autodestructrices, des addictions (cigarette, drogue, alcool…).
Il faut dire que les préjudices remontent souvent à la préadolescence, période de recherche de son identité où, même en l’absence de comportement homophobe ou transphobe, l’enfant peut souffrir de ne pas se sentir “normal” dans un entourage qui présume d’office son hétérosexualité. Ces présomptions peuvent se manifester par des phrases anodines comme : « Il va avoir du succès avec les filles plus tard » ou « Elle va faire craquer les garçons plus tard ». Quand on ressent une attirance pour le même sexe ou qu’on ne s’identifie pas au genre qui nous est assigné, le sentiment de ne pas être conforme n’est pas sans conséquence.
Comment agir pour améliorer l'inclusion ?
- Ne pas hésiter à consulter un.e professionnel.le de la santé mentale, s’accorder des moments dans un lieu safe, dans lequel vous pourrez extérioriser votre vécu et apprendre à mobiliser vos ressources pour faire face.
- Le sentiment d’appartenance à une communauté est un facteur majeur de résilience face au stress, n’hésitez pas à faire des activités ou rencontrer des personnes faisant partie des mêmes minorités que vous. Vous verrez, vous n’êtes pas seul.e !
- Sensibiliser la population générale sur les effets néfastes du rejet familial, notamment pour les adolescents et jeunes adultes particulièrement vulnérables à cette période de leur vie.
- Agir davantage auprès des jeunes, notamment en milieu scolaire, pour enrayer les phénomènes de bouc-émissaire touchant les personnes LGBTQIA+ et les rassurer sur le fait que leurs ressentis et désirs sont tout à fait normaux et sains. C’est ainsi que des actions ont commencé à être menées, à l’initiative du Pôle Discrimination Violence et Santé (PDVS) de la SEDAP, comme la création d’une formation Sentinelles et Références adressée à des jeunes qui apprendront à intervenir en binôme face à une situation d’humiliation, ainsi que des formations pour adultes. Il revient aux instances ministérielles de systématiser ces formations.
- Sensibiliser aussi les professionnel.le.s de tous horizons (santé, social, judiciaire et pénitentiaire) aux questions de discrimination incluant les minorités LGBT.
J’accompagne moi-même des écoles et professionnel.le.s du soin par l’intermédiaire de formations pour plus de diversité et d’inclusion.
Enfin, plus nous communiquerons et apprendrons à connaître l’autre, plus nous parviendrons à éviter ces paroles, comportements ou attitudes qui sont reproduits de manière systémique, plus nous contribuerons à la disparition des stéréotypes et préjugés concernant les personnes minorisées quelles qu’elles soient.
Pour que le STRESS ne se mue pas en DETRESS !
Virginie Vergne, Eva Spaeter